• Congo-Brazzaville : La nasse

    Nous avons beau cherché de tous les côtés une quelconque voie de sortie, le constat est cruel : nulle part, il n'existe la moindre issue de secours. Nous sommes dans la nasse. Pris comme des poissons. Sauf miracle, nous y serons encore dans les quarante ou cinquante ans à venir, condamnés à une mort lente, mais inéluctable.

    Je ne joue pas les oiseaux de mauvais augures pour me faire plaisir. Une simple lecture des rares données statistiques disponibles sur notre pays aboutit à cette conclusion terrifiante. Nous ne foutons rien. Le pire, c'est que les hommes au pouvoir et ceux qui aspirent à prendre leur place n'en ont nullement conscience. D'une année sur l'autre, Sassou annonce invariablement que tout n'est pas parfait, mais que tout ira nettement mieux l'année prochaine. C'est un refrain qu'il nous entonne depuis 23 ans, et nous n'avons pas fini de l'entendre. Quant à l'opposition, lorsqu'elle n'est pas trop épuisée par les efforts dépensés à réclamer sa CEI, elle lève timidement le doigt pour demander à Sassou la permission de critiquer respectueusement son régime corrompu. Tous, en choeur, promettent l'Etat de droit, la démocratie, l'assainissement des finances publiques, la lutte contre la corruption, le bonheur, le blablabla, c'est-à-dire du vent. Leurs fameux projets de société nous montrent que ce beau monde est complètement à la masse, loin des préoccupations quotidiennes des Cons-golais.

    Le maître mot qui gouverne notre pays est imprévoyance. Elle est partout, l'imprévoyance. Les classes surchargées, les routes défoncées, les hôpitaux mouroirs, les wagons à bestiaux du Cfco, les poubelles flottantes sur le fleuve Congo, les foulas foulas bondés, l'insalubrité dans nos villes, l'urbanisation anarchique, le chômage de masse, la ruine des services publics et la faillite des sociétés d'Etat, les récurrentes coupures d'eau et d'électricité ne s'expliquent pas autrement que par l'imprévoyance de ces dirigeants que nous n'avons pas choisis. Notre descente aux enfers résulte de l'incapacité et du refus de cette élite corrompue à anticiper les réponses aux besoins futurs de la population.

    Le barrage hydroélectrique et l'usine de traitement des eaux du Djoué, pour ne prendre que ces deux exemples-là, ont été construits par les colons en 1954 pour une ville de moins de 100 000 habitants. Cinquante ans plus tard, la population brazzavilloise a été multipliée par sept, voire par huit, mais les capacités de production énergétique et de l'eau à Brazza n'ont pas suivi l'explosion démographique pourtant prévisible. Et pour cause, nos gouvernants n'ont jamais pensé que les nouveaux habitants auraient un jour besoin de boire de l'eau de robinet et de s'éclairer avec une ampoule électrique. Inutile d'évoquer les conséquences économiques d'une telle imprévoyance, ils n'y ont jamais pensé. Le drame, c'est qu'ils n'y pensent toujours pas (1). Je n'ose pas imaginer et écrire que si les colons n'avaient pas existé, ce pays n'aurait pas encore connu, en 2007, l'adduction d'eau potable, la production et la distribution du courant électrique. Une honte.

    C'est qui, ce con qui a dit que gouverner, c'est prévoir ? Il n'est sûrement pas Con-golais. Quand, à l'imprévoyance, viennent s'ajouter l'incompétence, le jemenfoutisme, la corruption, le népotisme institutionnalisé et l'impunité, ça donne l'Etat-Pct version Ngouabi et Sassou-l'homme des masses, l'Etat-Upads de Lissouba et enfin l'Etat-Pct version Sassou-nouvelle espérance. En un mot, la déliquescence et la privatisation de l'Etat.

    Les plus optimistes d'entre nous croient naïvement qu'il suffira de virer le chef des cobras et son clan du pouvoir pour que ce pays retombe sur ses pieds. C'est sûrement un préalable, mais ça ne suffira pas. On ne se débarrasse pas aussi facilement que cela des mauvaises habitudes accumulées pendant quarante-six ans, et qui ont contaminé tous les échelons de l'administration par simple décret. Il faudra que tous les citoyens de ce pays se battent courageusement contre l'aristocratie militaire et civile corrompue des Sassou et des Nguesso au pouvoir, en reprenant à leur compte les combats tels que ceux menés par la Fédération congolaise de la diaspora contre l'impunité des crimes de guerre, et de la Coalition publiez ce que vous payez contre la corruption et le détournement des fonds publics pour contraindre nos gouvernants à rendre des comptes.

    Et puis, il y a ce boulet de la dette que les Sassou I, II, III, IX, V... XII, XIII et Lissouba nous auront généreusement légué en héritage. Il limite considérablement, pour de très longues années encore, les marges de manoeuvre de n'importe quel gouvernement, aussi compétent soit-il. Je parle d'un gouvernement hypothétique animé d'une volonté inébranlable de responsabiliser les Cons-golais et de moderniser enfin ce pays, pas du gouvernement de Mvouba et de tous ceux qui l'ont précédé, dont l'unique préoccupation se résume à l'enrichissement personnel.

    A priori, nous sommes vraiment mal barrés pour nous en sortir, compte tenu de notre niveau d'endettement, qui ne nous permettra pas de réaliser des investissements nécessaires au développement du pays, mais aussi et surtout de l'incapacité notoire de Sassou à diriger une nation et un Etat. Les exemples récents de la Russie et de l'Algérie, qui ont remboursé totalement ou partiellement leur dette en profitant de l'envolée du cours du baril du pétrole, montrent a contrario qu'il demeure toujours un espoir de sortir de la nasse. Encore faut-il en avoir et l'envie et la détermination. Au Congo, c'est malheureusement l'inverse qui prévaut. Si, comme l'affirme Sassou, « l'électricité ne tombe pas du ciel », l'argent, lui, vient de là-haut. Alors, le général Sassou et son clan attendent, les bras croisés, la pluie de pétro-dollars. Plus il en pleut, plus ils souscrivent de nouveaux emprunts. Les Cons-golais, une fois de plus, se serrent la ceinture pour rembourser de l'argent dont ils n'ont jamais vu et dont ils ne verront jamais la couleur.

    Combien de temps allons-nous encore subir la brutalité, le vol, le népotisme et l'incompétence de ce régime ? Des siècles, si nous ne bougeons pas. Sassou l'avoue sans détour avec cette subtilité qui le caractérise : « A la limite, déclare-t-il, seuls les Congolais pourraient nous en faire la remarque (sur ses goûts de luxe et la corruption de son régime), mais ils ne le font pas. » Une fois n'est pas coutume, il faut lui reconnaître cette franchise. Notre passivité et notre résignation sont un encouragement à la kleptomanie du dictateur con-golais et de son clan. Au moins, c'est clairement dit. Chaque jour que Sassou passe à la tête de notre pays, c'est dix ans de retour en arrière pour le Congo.

    (1) Il paraît que la centrale thermique de Sassou résoudra bientôt tous les problèmes de l'électricité à Brazzaville. Ce bricolage répondra peut-être, dans l'urgence, aux besoins du moment, mais qu'en sera-t-il dans 15 ans ?

    Musi Kanda 

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